Fin de la récré
La liberté d’expression dans l’espace public est en voie d’éradication. Ce n’est pas un nouveau fantasme complotiste mais un simple et froid constat que tout un chacun peut faire en se penchant notamment sur la loi dite « contre la haine en ligne » actuellement en cours de vote au Parlement … Entre autres sympathiques facéties, celle-ci transfère à des opérateurs privés des pouvoirs qui jusque-là étaient octroyés aux juges… Nous entrons donc aujourd’hui dans l’ère du contrôle à priori, de la censure « de précaution », et de la soumission automatique et désormais « légitime » à toutes les délations et les dénonciations « citoyennes »… « L’incitation à la haine » étant un concept si vaste, si fumeux, si subjectif, si imparfaitement défini, il apparaît d’évidence qu’à peu près tout et n’importe quoi pourra être soumis à cette infamante définition. C’est bien d’ailleurs en ce sens que la loi a été pensée et écrite.
Cette disparition programmée d’une liberté pourrait être terrible et tragique… Ce n’est finalement qu’anecdotique. Car en effet à quoi bon légiférer contre la liberté d’expression dans une société où plus personne n’a rien à exprimer, où plus personne bientôt n’aura même les moyens intellectuels de former et de formuler une idée ?
Le vrai drame n’est en effet pas le nouvel épisode de la grande saga des lois liberticides, qui, si scélérates soient-elle, ont toujours produit leurs propres contestations, oppositions et remises en cause… Non, la véritable – et sans doute définitive – défaite, c’est la disparition généralisée, générationnelle, de l’intelligence, de la culture et du sens critique… Ce ne sont ni les députés vendus ni les juges larbins qui assassinent de façon rédhibitoire la pensée dissidente et la liberté d’expression, c’est bel et bien l’Education nationale. Priver les gens de leurs capacités de réflexion et de d’expression est un moyen d’asservissement beaucoup plus efficace, d’un point de vue radical et totalitaire, que chercher à sanctionner ou réprimer la dite pensée.
Nos politiciens, leurs cornacs oligarchiques comme leurs domestiques magistrats, ne sont en fait que des gens trop pressés. Ils pondent encore des lois pour accélérer l’avènement d’une situation qu’encore deux générations de « citoyens » obligatoirement lobotomisés de 3 à 20 ans leur apporteront inéluctablement… L’observation du bac 2019 est à ce sujet particulièrement révélatrice… Le niveau n’est même plus affligeant, il est d’une certaine façon sublime de nullité… Et quoi de plus facile que de régner sur une population de crétins de cet acabit ? Aux trois quarts illettrés, incapables de placer Napoléon et Charlemagne dans le temps, déstructurés, accrocs à Insta et aux écrans, n’aspirant qu’à une réussite purement matérielle, s’amusant de leur propre sottise, curieux de rien, veules et drogués… Encore mieux que des esclaves puisque nos néo-bacheliers sont pour leur part satisfaits et volontaires… Aucun mépris d’ailleurs dans ce constat car ce ne sont bien sûr que des victimes d’un plan organisé mis en place depuis des décennies, et dont tous les adultes ou parents que nous sommes sont partiellement complices…
La grande machine à décérébrer et à émasculer intellectuellement qu’est l’Education Nationale depuis 40 ans est en tout cas aujourd’hui en phase de pouvoir se prévaloir d’avoir atteint l’objectif pour lequel des milliards lui ont été versés : créer une nouvelle race « d’hommes », la grande armée des zombies consuméristes, gigantesque dégueulis d’abrutis vulgaires et hautains, aussi prétentieux que geignards et pleurnichards, ayant le caractère au même niveau que leur bagage intellectuel, bloqué au début de la petite enfance, pour ne pas dire au stade anal.
Avec eux, plus besoin de lois, de juges, de condamnations, de mitards et de matons… Leur vide est leur plus efficace geôlier et ils ne pourront jamais être tentés par une quelconque pensée divergente puisque – faute d’instruments, de connaissances, de vocabulaire, de lectures, d’entraînement…- le concept même de penser leur sera devenu inaccessible. Au mieux (au pire) - en cas d’échec social ou de cassure psychologique- ils aboieront des slogans simplistes et caricaturaux, glapiront une « haine » pour le coup bien réelle, seul sentiment désormais à leur portée, sombreront dans une violence nihiliste et seront alors le repoussoir idéal tout autant que le matériau parfait de toutes les manipulations…
Xavier Eman (A moy que chault ! , 6 juillet 2019)